Test 4K Ultra HD Blu-ray : Eyes Wide Shut (1999)
Publié le par la Rédaction
Synopsis
Un jeune couple bourgeois vivant à New-York, Bill Harford, médecin, et sa femme, Alice, commissaire d'exposition, se rend à une réception mondaine pour la fête de Noël donnée par un riche patient de Bill. Bill y rencontre un vieil ami de fac, Nick Nightingale, devenu pianiste professionnel puis pendant qu'Alice se fait draguer par un Hongrois, Bill se voit proposer un plan à trois par deux mannequins pour aller jusqu'au bout de l'arc-en-ciel.
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NB : Les comparatifs image (compression .jpg, 8-bit) sont strictement à usage illustratif et sont non représentatifs de ce que l'Ultra HD Blu-ray diffusera sur votre écran UHD HDR calibré.
Afin de mettre en évidence l'utilisation concrète du Wide Color Gamut (WCG) sur cette édition (voir tutoriel ici), les pixels qui se situent dans la gamme standard/BT.709 (confinés à l'intérieur du petit triangle REC.709) vous sont présentés ici entièrement désaturés. A l'inverse, ceux faisant partie de la gamme élargie BT.2020, exclusive au disque 4K Ultra HD Blu-ray (qui s'étendent à l'extérieur du petit triangle REC.709) vous sont présentés en couleur :
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Qualité Vidéo
C’est sans doute la sortie la plus scrutée de l’année pour les home-cinéphiles. Plus qu’une simple mise à jour technique, l’arrivée d’Eyes Wide Shut (1999) en 4K Ultra HD Blu-ray chez Criterion aux USA résonne comme une exhumation. Longtemps trahi par des transferts vidéo approximatifs, le chant du cygne de Stanley Kubrick nous revient enfin, débarrassé de ses scories, pour nous plonger dans ce même rêve éveillé mais avec une intensité inédite. Supervisée par le chef opérateur Larry Smith, cette restauration opérée depuis le négatif original 35mm ne cherche pas forcément à plaire à tout le monde. Plutôt à être cinématographiquement authentique. Le film est présenté au ratio 1.85:1 sur un disque BD-100 (92.6 Go d’espace mobilisé), avec un encodage HEVC confié à la maison boutique Fidelity in Motion. L’étalonnage HDR est accompagné de la présence de métadonnées Dolby Vision (profil DV-MEL, sous 10-bit).
L'expérience visuelle d'Eyes Wide Shut (1999) a toujours reposé sur une alchimie instable, presque vénéneuse. Tourné sur une pellicule ultra-sensible (Kodak Vision 500T 5298) avec un développement poussé en laboratoire (le fameux traitement "push"), le film n'a jamais été conçu pour être "propre". Et c’est précisément ce que souligne avec force ce nouveau master : la matière argentique est ici respectée dans toute sa densité. Cette restauration n’a rien lissé. Au contraire, elle embrasse cette structure de grain lourde, épaisse, vivante, qui fourmille à l'écran avec une fermeté soutenue. Ce n'est pas du bruit parasite qu’il faut chercher à nettoyer. Cette texture fait corps avec l’ADN de l’oeuvre. Elle évoque l’oppression d’un New York intime et nocturne, inquiétant et sensuel à la fois.
Le gain de cette restauration dépasse largement la simple question de la résolution d'image. La correction de la distorsion géométrique qui affectait le Blu-ray de 2007 — déformations des visages, perspectives altérées — redonne aux cadres leur rigueur originelle. Le piqué, lui, n’est jamais démonstratif. Mais il approfondit la sensation de matière : le poids des étoffes, le velours des capes, la laine du manteau de Bill Harford qui gagnent en lisibilité. Gardez à l’esprit que cette restauration s’impose à l’écran par de plus fins détails (l’espace domestique de l'appartement des Harford, la boutique de costumes) mais surtout par la tenue d’un grain de film respecté et ferme en toute circonstance.
L'aspect peut-être plus polarisant de cette redécouverte résidera dans le nouvel étalonnage des couleurs. Là où le transfert de 2007 baignait dans une chaleur omniprésente, souvent marquée par des dérives magentas et des tons chair vite rougeâtres (les visages, les corps dénudés et les mains), cette mouture 2025 opère un virage bien palpable. Les contrastes ont été optimisés mais la palette glisse vers une complémentaire teal & cyan plus prononcée, rendant l'image globalement plus contemporaine et contrastée. Un choix qui génère toujours des débats mais ici assumé et validé par Larry Smith à partir de copies de référence et de souvenirs de rushes. Au regard de l’importance de l’œuvre dans la filmographie de Stanley Kubrick, il est légitime de penser que ces choix ont été mûrement réfléchis.
C'est une particularité de cette ultime oeuvre de Kubrick : les couleurs sont vives sur ce titre. Et le Wide Color Gamut (P3) s’impose comme un atout majeur de cette édition UHD. La mobilisation du gamut étendu se révèle sur de nombreux segments : les boiseries et tons dorés de la réception chez les Ziegler, les rouges profonds du rituel, les éclats des décorations de Noël et l'ensemble de ces motifs symboliques récurrents ("Where the rainbow ends..") qui gagnent en saturation et en profondeur. En contrepartie, l’approche reste volontairement contenue dans les intensités lumineuses développées, les pics ne dépassant que rarement les 200 nits. Y compris lors du bal inaugural, riche en luminaires, bokeh et subtilités lumineuses. Un HDR mesuré, mais qui ne diminue en rien l’importance de cette mise à niveau.
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Qualité Audio
L'édition 4K Ultra HD Blu-ray d'Eyes Wide Shut (1999) fait l'impasse sur toute tentative de remixage Dolby Atmos pour se concentrer sur l'essentiel. Nous retrouvons ainsi une unique piste en version originale DTS-HD Master Audio 5.1, désormais proposée sous une profondeur de signal 24-bit et avec une plage dynamique légèrement optimisée.
La conception sonore de Kubrick reste avant tout frontale. Le canal central demeure le point d'ancrage principal, délivrant des dialogues prioritaires mais mixés assez bas. Ce choix crée une intimité presque voyeuriste, poussant le spectateur à tendre l’oreille lors des confessions chuchotées ou des échanges plus feutrés. La spatialisation joue aussi la carte de la subtilité atmosphérique. Les canaux surround ne cherchent pas le spectaculaire mais tissent une toile de fond discrète en certaines occasions : le bourdonnement sourd de la ville, le bruit lointain de la circulation ou la résonance des pas de Bill dans les halls caverneux. Les notes de piano aiguës et austères de György Ligeti percent toujours le silence avec un poids obsédant, y compris en surround. Mais notre mention spéciale revient de nouveau à la célèbre séquence du rituel, portée par la composition de Jocelyn Pook et ses chants orthodoxes inversés, qui exploite plus largement le champ 5.1 et le canal de basse (à la mi-film) pour instaurer son potentiel captivant.
La VO est restituée en DTS-HD Master Audio 5.1 (3083 kbps, sous 24-bit) avec une valeur de Loudness Range mesurée à 22.8 LU (contre 22.5 sur le précédent Blu-ray). On insiste : pas de VF, pas de sous-titres FR sur cette édition USA.
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Bonus
- Film présenté en version internationale (montage de 159 minutes) sur disque UHD et Blu-ray (remasterisé)
- Nouveaux entretiens avec Smith, la photographe et réalisatrice de la seconde équipe Lisa Leone, et l'archiviste de Stanley Kubrick Georgina Orgill
- Entretien d'archives avec Christiane Kubrick, l'épouse du réalisateur Stanley Kubrick
- Never Just a Dream (2019), incluant des entretiens avec le producteur Jan Harlan ; Katharina Kubrick, la fille de Stanley Kubrick ; et Anthony Frewin, l'assistant personnel de Kubrick
- Lost Kubrick : Les films inachevés de Stanley Kubrick (2007)
- Kubrick Remembered (2014), incluant des entretiens avec les acteurs Todd Field et Leelee Sobieski et le cinéaste Steven Spielberg
- Le discours d'acceptation de Kubrick en 1998 pour le D. W. Griffith Award de la Directors Guild of America
- Conférence de presse de 1999, avec Harlan et les acteurs Tom Cruise et Nicole Kidman
- Teaser et bandes-annonces
Conclusion
Une mise à niveau indiscutable pour le testament le plus troublant de Stanley Kubrick. Certes sur le plan de la définition, mais aussi par la géométrie enfin rétablie, la rigueur d’une compression HEVC irréprochable et la présence presque charnelle des textures 35 mm d'époque. Croisons les doigts pour une sortie en 2026 chez Warner dans l’hexagone !



